Protéines végétales : 5 idées reçues pour démêler le vrai du faux [+ INFOGRAPHIE]

« Et tu fais comment pour les protéines ? » Une question à laquelle toute personne végé est régulièrement confrontée. De fait, il existe dans l’imaginaire collectif cette douce idée, soigneusement entretenue par les lobbies, que les protéines se trouveraient principalement dans la viande et que les protéines végétales seraient de moindre qualité.

Pourtant, aussi incroyable que cela puisse paraître, il est possible de trouver des protéines de bonne qualité et en quantité suffisante dans les aliments d’origine végétale. Je vous propose de démêler ici le vrai du faux autour des protéines végétales, à travers 5 idées reçues (et si vous ne voulez pas vous farcir l’article, vous pouvez retrouver les infos clés dans une infographie récap en fin d’article).

First things first : c’est quoi une protéine? Il s’agit d’une molécule. Cette molécule est composée de 20 types d’acides aminés. Lorsque nous digérons, les protéines se scindent en acides aminés qui la composent. Parmi ces 20 types d’acides aminés, 8 sont dits « essentiels » chez l’adulte et 9 chez l’enfant (l’histidine est essentiel pour l’enfant mais pas pour l’adulte) car notre organisme ne peut les synthétiser tout seul.

Leur rôle est essentiel pour l’organisme : elles sont les composantes essentielles de plusieurs tissus du corps humain (muscles, peau, os…) et ont également des fonctions dans le système immunitaire et endocrinien, le transport de l’oxygène, etc. Un apport suffisant en protéine est donc nécessaire à une bonne santé.


Idée reçue #1 :
Les sportifs ont besoin de plus de protéines.

VRAI ! Le besoin protéique dépend de l’âge, du poids et de l’intensité de la pratique sportive.

Un adulte lambda a un besoin journalier de 0,83g de protéines par kilo, selon un rapport de la FAO/OMS. Pour les enfants et les seniors, le besoin en protéine est légèrement supérieur, surtout les deux premières années de la vie du nourrisson.

Prenons l’exemple d’une femme de 70 kg qui a une légère activité sportive, type petit footing de temps en temps. On va l’appeler Madeleine. Madeleine a donc besoin de 70 x 0,83g = 58,1g de protéines par jour.

Pour les personnes ayant une pratique sportive intensive, le besoin journalier conseillé en protéines passe alors à 1,2g à 2g de protéines par kilo. De fait, les protéines sont nécessaires pour la réparation musculaire. Donc si Madeleine prend goût au footing et se met à courir tous les jours, elle aura besoin entre 84 et 140g de protéines par jour. Pour les couvrir, il lui suffira de manger plus (de fait, plus on absorbe de calories, plus on absorbe mécaniquement de protéines).

À noter que la pratique d’un sport de haut niveau reste par ailleurs tout à fait compatible avec une alimentation végétalienne, comme de nombreux exemples en attestent.


Idée reçue #2 :
Les protéines ne se trouvent que dans la viande.

FAUX, on les trouve aussi dans les aliments d’origine végétale.

Il existe des protéines d’origine animale et des protéines d’origine végétale. Si on prend la teneur en protéines d’aliments consommés régulièrement dans une alimentation végétalienne ou omnivore, on remarque que des aliments souvent utilisés dans la cuisine végétale constituent de très bonnes sources de protéines :

Source : Tables Ciqual de l’ANSES. Graphique exprimé en grammes pour 100 grammes (par exemple pour le soja en 3è, il y a 34,5g de protéines pour 100g de soja). Les aliments d’origine animale correspondent à un « aliment moyen » dans les tables Ciqual, le choix du morceau pouvant faire varier la teneur.

Cependant, ces données peuvent sembler abstraites quand on pense à notre alimentation quotidienne : on consomme plus difficilement 100g de levure maltée que 100g de filet de poulet par exemple. Il est donc intéressant de comparer des plats, même si nous sommes limitées puisqu’à l’heure actuelle, peu d’alternatives végétales sont référencées sur le site CIQUAL, le site français de référence sur le sujet. Par exemple, le tempeh ou le seitan y sont absents.

Dans le comparatif ci-dessous, il serait par exemple plus pertinent de comparer des pâtes farcies à la viande à des pâtes farcies au tofu plutôt que des pâtes farcies aux légumes, mais cette donnée n’est pas (encore) disponible sur CIQUAL. Plus de données sont en revanche disponibles sur son équivalent américain de l’USDA.

En un mot, ce qu’il faut retenir c’est que les oléagineux (noix, noisettes, amandes, cacahuètes…), les légumineuses et leurs dérivés (lentilles, haricots, pois, fèves, soja, tofu, tempeh…) ou encore les céréales sont de bonne sources de protéines. Avec une alimentation végétale équilibrée et dont les apports énergétiques sont suffisants, le risque de carence protéique est donc faible. Les habitants de pays Occidentaux ont même au contraire un excès d’apport protéique.


Idée reçue #3 :
Les protéines végétales sont incomplètes.

FAUX, une protéine incomplète, ça n’existe pas. 

Une protéine incomplète désignerait une hypothétique protéine de qualité inférieure à laquelle il manquerait un acide aminé essentiel (je vous renvoie au début de l’article à la définition de ce qu’est une protéine). 

Or, incroyable mais vrai, TOUS les aliments possèdent bien tous les 8 acides aminés essentiels, en quantité plus ou moins variable, mais jamais égale à zéro. La protéine incomplète n’existe donc tout simplement pas dans la nature (malgré ce qu’affirmait le site mangerbouger du PNNS jusqu’à récemment – rectifié depuis – concernant les légumineuses dépourvues de certaines acides aminés essentiels).


Idée reçue #4 :
Les protéines végétales sont de moins bonne qualité.

FAUX, les indicateurs comme l’indice chimique sont uniquement théoriques. Ils ne prennent pas en compte la diversité d’apport protéiques dans une alimentation quotidienne variée.

L’argument de la qualité d’une protéine par rapport à une autre ne tient que si l’on ne consommait uniquement cette protéine. Cela pourrait avoir un intérêt dans un contexte de malnutrition, ce qui n’est pas le cas en Occident où les sources protéiques sont variées. Cependant, puisque l’argument revient souvent, il n’est pas inutile de s’y attarder quelques minutes (cette partie est un peu technique, si cela ne vous intéresse pas, vous pouvez très bien passer directement à l’idée #5).

Plusieurs indicateurs théoriques existent pour mesurer la qualité d’une protéine. L’un d’eux est l’indice chimique. Qu’est-ce donc que l’indice chimique ? C’est un ratio. Il est calculé à partir d’une protéine dite « de référence », une sorte de protéine idéale sur le papier, qui satisferait à elle seule aux besoins de l’organisme, sans excès ni défauts. Sa composition a varié au fil du temps, et depuis 2002, elle est définie comme telle par la FAO et l’OMS [1] : 

À partir de cette protéine de référence, voici comment est calculé l’indice chimique :

  • On divise la quantité de chaque acide aminé essentiel dans un aliment par la quantité du même acide aminé dans la protéine de référence. On obtient alors 8 ratios (un ratio par acide aminé essentiel). 
  • On garde le plus faible ratio obtenu entre les 8. C’est lui qui désignera l’indice chimique de l’aliment. 

Prenons un exemple, ce sera plus parlant :

Si ce chiffre est inférieur à 1, on dit alors que l’aliment à une teneur limitante. Cela signifie qu’une fois que l’acide aminé en question a été entièrement consommé, les 8 autres acides aminés essentiels ne sont plus utilisables par l’organisme.  Pour prendre une comparaison parlante que j’ai lue, c’est comme si vous aviez du pain, de la confiture et de la margarine, à manger ensemble. Arrive un moment où vous n’avez plus de pain. Il reste de la confiture et de la margarine mais vous ne pouvez plus rien en faire puisqu’il n’y a plus de pain. Ici, la logique est la même, non pas avec 3 ingrédients mais 8 acides aminés essentiels !

Super vous dites-vous, mais à quoi ça nous sert de savoir ça ? Et bien il est souvent dit que les protéines végétales sont de moins bonne qualité de par la teneur limitante de certaines d’entre elles. Or, d’une part c’est loin d’être toujours le cas, et d’autre part, l’indice chimique n’est pas suffisant pour déterminer si un aliment est une bonne source de protéine :

  • Primo il ne faut pas oublier la teneur protéique (cf idée reçue 2). Les lentilles ont par exemple un indice chimique limitant [2] mais sont de très bonnes sources de protéines. A l’inverse, il existe des aliments ayant un indice chimique élevé mais une faible teneur protéique, ne constituant donc pas de bonnes sources de protéines.
  • Deuxio l’indice chimique prend uniquement en compte la composition théorique d’un aliment et non son absorption réelle par le corps. Le Score Chimique Corrigé de la Digestibilité (SCCD) inclue quant à lui l’absorption réelle mais reste un indicateur théorique peu fiable puisqu’il ne mesure l’absorption d’une protéine dans le cas où l’on consommerait uniquement cette protéine. Comme on l’a vu, ce n’est pas le cas en France où les sources de protéines sont nombreuses et variées au cours d’un repas ou de la journée. Il est donc lui aussi un indicateur peu fiable. La digestion réelle d’une protéine est généralement supérieure à ce qu’indique son score de digestibilité théorique.

Idée reçue #5 :
Il faut forcément associer céréales et légumineuses pour avoir une protéine complète.

FAUX. Vous le pouvez, mais ce n’est pas obligatoire pour couvrir vos besoins en protéine.

Cette idée reçue vient du fait que l’acide aminé limitant de certaines céréales (souvent la lysine) est abondant dans les légumineuses. Et vice versa : l’acide aminé limitant dans les légumineuses (souvent les soufrés) est abondant dans les céréales. 

On entend donc souvent dire qu’il faut associer ces deux familles d’aliments au sein d’un même repas afin d’assurer un apport suffisant dans tous les acides aminés essentiels.

Si cela vous rassure, vous pouvez bien sûr tout à fait faire comme ça. Sachez simplement que cela n’est pas nécessaire, l’important étant de diversifier son alimentation sur plusieurs jours, ce qui permet d’avoir accès à toutes sortes de sources de protéines (céréales, légumineuses, oléagineux, et légumes divers [3]). Inutile donc de recourir à des stratagèmes compliqués selon lesquels pour être végétalien et en bonne santé, il faudrait croiser 14 variétés différentes des légumes, des légumineuses et des céréales (selon les dires il y a quelques années d’un célèbre nutritionniste). Vous ne risquez rien à manger des pois chiches sans céréales un jour et des galette de sarrasin sans légumineuses un autre !

Par ailleurs, dans le cas d’un aliment présentant une teneur limitante, il peut aussi tout simplement suffir de le consommer en plus grande quantité pour supprimer cette limite. Malynx le lynx.


Infographie Récapitulative

J’espère que cet article aura pu clarifier certaines idées reçues que vous pouviez avoir ou que vous entendez fréquemment sans savoir comment y répondre. En guise de conclusion, vous avez le droit à une magnifique infographie récapitulative qu’il est vivement conseillé de partager dès que Tonton Jackie s’improvisera nutritionniste et s’inquiètera de vos apports protéiques au prochain dîner de famille 🙂 (disponible aussi en version pdf).


Notes :

  • [1] Le calcul de l’indice chimique dépend de la protéine de référence. Si on change les valeurs de la protéine de référence, nécessairement l’indice chimique changera également. Or la protéine de référence a beaucoup varié au cours des décennies. On a d’abord pris la caséine (protéine du lait) car les scientifiques avaient constaté en 1914 que des rats grossissaient plus vite avec de la caséine qu’avec de la zéine (la protéine du maïs). CQFD. Ensuite, c’est l’œuf qui a été utilisé comme protéine de référence. Dans le dernier rapport de la FAO / OMS, la protéine de référence définie se rapproche de celle d’une protéine végétale.
  • [2] Les indices chimiques indiqués ici pour le pois chiche et les lentilles sont issues de la revue « Alternatives Végétariennes » N°119 (dossier sur les protéines écrit par Massimo Nespolo, professeur à l’université de Lorraine).
  • [3] Les légumes sont bien moins riches en protéines que les céréales, légumineuses et oléagineux. Attention : les fruits ne représentent en revanche pas une source de protéines adéquate.  

Sources :

Un grand merci à Stan et à la commission nutrition de l’AVF pour leur aide précieuse et leurs retours avisés.

You May Also Like

8 Comments

  1. 1

    Hello 🙂 Une précision: le schéma présentant les 8 acides aminés essentiels est erronné. Il représente en réalité 11 acides aminés (AAs). ‘Soufrés’ et ‘aromatiques’ sont deux catégories d’AA, cela décrit une caractéristique de leur structure chimique qu’ils ont en commun.

    Par exemple, un seul des deux AAs dit ‘soufrés’ (la méthionine) est un AA essentiel. L’autre AA de la même catégorie (la cystéine) n’est pas un acide aminé essentiel.
    Un schéma utile: https://tinyurl.com/vxy7xrs

    Cette distinction n’enlève bien sûr rien à la qualité et de l’article qui est comme d’habitude clair et très utile!

    • 2

      Hello Marion,
      Merci pour ton retour 🙂
      Tu veux dire qu’il faudrait remplacer soufrés par methionine ?
      Auquel cas je vais verifier auprès des personnes calées en nutrition qui m’ont aidées pour l’élaboration de cet article, et modifier si besoin 🙂 merci d’avance pour ton retour.

      • 3

        Oui, tout à fait! L’acide aminé essentiel soufré est la méthionine, et les acides aminés essentiels aromatiques sont la phénylalanine et le tryptophane.

        Au contraire la cystéine est un acide aminé soufré non essentiel, de même que la tyrosine est un acide aminé aromatique non essentiel!

  2. 5

    Un article qui agrémentera à merveille ma boite à outils en Véganie. Merci beaucoup pour ce travail !

  3. 6

    Oui, mais d’où vient cette peur de la carence en protéine et du mythe de la viande essentielle pour en avoir ?
    Pour quelques clés, recherchez la vidéo : « LES OEUFS AU BACON [TRADITION OU PROPAGANDE] »

  4. 7

    Hello,
    Il me semble que même l’idée reçue n°1 soit aussi fausse selon le rapport AV-119 de Nespolo que tu cites et qui fait référence à des rapports OMS/Fao et que le besoin en proteines serait constant pour un sédentaire ou un sportif, seuls les besoins énergétiques seraient différents.
    Good job

    • 8

      Hello Thierry ! Effectivement dans ce rapport Nespolo avance cette idée, mais celle-ci est contredite par d’autres données (cf le rapport mis en lien pour + d’infos, lui-même repris dans les données du site vegan-pratique de L214). Par principe de precaution, je préfère donc utiliser cette dernière donnée.

Comments are closed.