Après une petite pause dans les lectures en lien avec l’éthique animale, me voici de retour avec une sélection de 3 ouvrages. Les animaux ne sont pas comestibles est le témoignage de Martin Page sur son cheminement vers le véganisme. Dans Profession : Animal de Laboratoire, Audrey Jougla relate une enquête d’un an pendant lequel elle s’est infiltrée dans un laboratoire pharmaceutique. Enfin, dans Vers une société végane, Olivier Rognon imagine une société future dans laquelle l’exploitation animale est proscrite.
1. Les animaux ne sont pas comestibles (Martin Page)
Dans cet ouvrage, Martin Page partage le récit de son parcours vers le véganisme, en nous rapportant les questions, doutes, succès et échecs qui l’ont jalonné (et qui trouveront sans nul doute un écho auprès des nombreuses personnes !)
Ayant lu pas mal d’ouvrages sur l’éthique animale, je connais les chiffres et les réalités de l’exploitation animale. La richesse de cet ouvrage se situait donc pour ma part ailleurs, dans le parcours même de Martin Page, assez différent du mien.
J’ai particulièrement apprécié son discours pragmatique sur l’importance de prendre en compte le contexte social, financier et familial d’une personne quand on parle de véganisme. Il met par exemple en garde contre la facilité qu’on peut avoir à balayer les freins que rencontre une personne en situation de précarité ou vivant dans un désert alimentaire. Un bon rappel que les parcours qui amènent au véganisme sont nombreux, le nôtre n’est donc en aucun cas généralisable à autrui. Ce qui a été facile pour moi ne le sera pas forcément pour la personne en face, et vice versa.
Tout au long du livre se ressent la bienveillance envers les animaux et les humains. Une phrase m’aura particulièrement marquée :
Je ne suis pas seulement végane pour les animaux, parce que j’aime les animaux. Je le suis aussi pour les êtres humains : je ne veux pas que nous soyons l’espèce de la cruauté.
Un beau témoignage, simple et authentique, accessible à tout le monde, que j’ai pris beaucoup de plaisir à lire. Seul bémol : je regrette l’absence de poissons sur la couverture de l’édition initiale (qui représentent plus de 90% des animaux tués pour notre alimentation), ainsi que quelques affirmations qui me paraissent plus de l’ordre du point de vue personnel et donc sujettes à discussion.
👉 Paru en 2017 | Prix : 6,90 € | Commander Les animaux ne sont pas comestibles
2. Profession : Animal de Laboratoire (Audrey Jougla)
Rares -très rares- sont les ouvrages qui traitent de l’expérimentation animale. Ma connaissance de ce sujet se limitait jusqu’alors aux chapitres que Peter Singer y consacre dans Libération Animale. C’est donc pour approfondir mes connaissances que j’ai lu l’ouvrage d’Audrey Jougla.
Celle-ci a enquêté secrètement pendant plus d’un an dans des laboratoires français. Ce livre est le récit de cette enquête, à la croisée de deux milieux : celui des militants et celui des laboratoires. Avec, en trame de fond, des questions éthiques sur l’éternel paradoxe de l’expérimentation animale : les animaux nous seraient suffisamment semblables sur le plan physiologique pour justifier son existence, mais suffisamment différents sur le plan de la conscience pour qu’elle soit moralement acceptable.
Je m’attendais en débutant cet ouvrage à trouver un état des lieux clair et précis de l’expérimentation animale en France, à grand renfort de chiffres et statistiques. Ce ne fut pas le cas. Comme le souligne Audrey Jougla :
Moi qui était en quête d’une réalité objective, palpable et mesurable, je me suis heurtée à une évidence : peu importe ce que l’on mesure, ce que l’on peut généraliser ou pas, la réalité n’est pas là […] J’ai compris que je ne pourrais jamais saisir la réalité dans ses plus infimes détails mais qu’il fallait compter avec une visions kaléidoscopique et fragmentée […] que faire reposer le débat sur des chiffres est utile à l’industrie.
D’où une sensation d’être un peu restée sur ma faim en fermant le livre : non pas à cause du récit passionnant d’Audrey Jougla qui joue les agents doubles, mais du fait de l’opacité de cette industrie qui ne laisse presque rien filtrer. Le témoignage d’Audrey Jougla n’en reste pas moins inestimable (et je salue au passage la force mentale qu’il lui aura fallu pour infiltrer, puis côtoyer ce milieu). Elle nous y rapporte les discussions qu’elle a eues avec différents acteurs -de l’animalier aux chercheurs de l’INRA- sur le fonctionnement des labos, le financement de la recherche, la souffrance animale, etc. Ma propre frustration vient du fait que je ne sais pas dans quelle mesure leurs dires sont des points de vue personnels ou des réalités applicables à l’ensemble du secteur. J’en ressors donc avec de nouvelles interrogations.
Quoiqu’il en soit, si le sujet de l’expérimentation animale ou des laboratoires pharmaceutiques vous est inconnue, je ne peux que vous inviter à lire cet ouvrage. J’aurais personnellement été marquée par la sémantique particulière utilisée par les labos pour parler de leur métier (on ne dit pas « tests sur les animaux » mais « recherche animale ». On ne dit pas que les animaux sont « utilisés » mais qu’on les « fait travailler ». On ne dit pas qu’ils sont « euthanasiés » mais « sacrifiés »). Autre fait intéressant qui m’a marquée : c’est le procès de Nuremberg qui a instauré le pré-requis de l’expérimentation animale, pour éviter l’expérimentation sur les humains pratiquée par les nazis.
👉 Paru en 2015 | Prix: 17 euros | Commander Profession : Animal de Laboratoire
3. Vers une société végane (Olivier Rognon)
Comment notre société pourrait-elle devenir végane ? A quoi ressemblerait-elle ? Deux questions que je ne suis sans doute pas la seule à me poser, mais auxquelles je suis bien incapable de répondre. Si on posait la question à un groupe de personnes, il y aurait autant de scenarios différents que de personnes interrogées.
Vers une Société végane est un de ces scénarios. Celui imaginé par son auteur, Olivier Rognon. Cet essai d’une centaine de pages se structure en deux parties : « avant l’abolition » et « après l’abolition ».
Dans la 1ère partie, il imagine comment une société végane pourrait être progressivement mise en place : ce qui marcherait, ce qui ne marcherait pas, et ce qui ferait définitivement basculer l’opinion publique vers un paradigme abolitionniste.
Dans la 2ème partie, il décrit ensuite ce à quoi la société ressemblerait : une société biocentrée (c’est à dire prenant en compte les intérêts du vivant), inclusive et coopérative. Il n’est pas uniquement question d’animaux, Olivier Rognon aborde bien sûr les questions d’écologie et d’agriculture, mais aussi d’éducation, d’économie ou encore de géopolitique, afin de partager une vision systémique de la manière dont il imagine une société future.
Si le propos peut parfois paraître simpliste ou utopiste face à des thématiques si complexes, il faut bien garder à l’esprit qu’il s’agit d’une fiction, et non pas d’un « guide de la société parfaite » avec études et notes en bas de page à l’appui. Olivier Rognon ne prétend pas avoir la solution, il esquisse le schéma d’un autre modèle de société dans lequel humains et animaux cohabitent en paix.
Cette vision d’un monde basé sur l’empathie où les humains vivent en harmonie entre eux et avec les autres espèces est inspirante. J’ai en revanche été gênée par certains propos teintés de spiritualité, auxquels je ne suis personnellement pas réceptive (ex : la communication animale par télépathie), mais qui parleront peut-être à d’autres.
👉 Paru en 2018 | Prix: 12,5 euros | Commander Vers une société végane
[bctt tweet= »3 nouvelles idées lecture sur la cause animale » username= »Madame_Carotte »]
J’ai vu plusieurs trucs récemment sur les pratiques type communication animale, médiation animale (souvent teintée de spiritualité voire d’ésotérisme), notamment via l’association Coexister, si ça t’intéresse… Dans une itw qu’on peut trouver sur youtube, Pia Shazar explique pourquoi ils mettent ça en avant
Merci pour ces résumés de lecture, il y a tant d’ouvrages qui sortent autour de la cause animale que c’est impossible de suivre, et difficile de sélectionner parfois !
Je m’apprête à lire La révolution antispéciste, après avoir lu le petit Que sais-je sur le véganisme. Je ferai sans doute un article dessus dans les mois qui viennent 🙂
Merci Irène ! J’avoue que je la mediation animale ne m’interesse pas plus que ça, disons que j’ai vu des choses dessus et pour l’instant cela a suffi à ce que je me fasse une idée (et que je n’en sois pas convaincue).
Bien d’accord avec toi sur les ouvrages sur la cause animale : c’est plutôt bon signe mais je n’arrive pas à suivre le rythme ! Je n’ai d’ailleurs lu ni la revolution antispéciste (malgré la super revue qu’en avait faite How I met Your Tofu), ni le que sais-je, donc hâte de lire ton article à mon tour 😉
Cavalière pendant plus de 15 ans, ça fait des années qu’on parle de communication animale sur les forums équins mais je n’ai jamais été convaincue. Je ne sais pas comment est exposée celle évoquée par le livre «Vers une société végane», mais pouvoir entrer en contact avec un animal juste avec son nom et une photo, je n’arrive pas à accrocher. Mais il y a plein de personnes qui se sont mises à faire payer ces séances et les demandes pleuvent.
Bref, pour revenir à ton article, merci pour cette sélection !
Je ne connais que très peu le thème des animaux de laboratoire … j’avais lu que 99% des animaux étaient tués pour être mangés, le pourcentage de testés était ainsi minime … et je n’ai aucune connaissance médicale ou de labo me permettant d’affirmer que l’on pourrait s’en passer. Je connais bien les quelques alternatives proposés, mais je ne m’imagine non plus les chercheurs.euses comme des gens cruels qui veulent absolument tout tester sur les animaux, j’ai l’impression que l’on ne sait pas encore s’en passer …
Est-ce que le livre est vraiment dur à lire, côté souffrance animale ? Vu mon peu de connaissances dessus, je pense y jeter un coup d’oeil !
L’auteur de «Vers une société végane» était en dédicace au VeggieWorld d’ailleurs ^^
«Les animaux ne sont pas comestibles» m’intéresse pas mal, je pense que je vais l’acheter ! J’ai en plus tendance à être moins bienveillante qu’il y a quelques temps vis-à-vis des gens ne veulent pas faire d’effort, peut-être que ce livre me permettra de remettre à nouveau un peu d’eau dans mon vin.
Merci ! 🙂
Hello Marion !
Il y a effectivement des passages durs dans le livre d’Audrey Jougla, mais ce n’est pas le propos central de son enquête. Justement, elle explique que ce n’est pas si manichéen sur cette thématique, je pense que ça l’approche nuancée d’une personne qui a vu « les 2 côtés » pourra te plaire ! (N’hésite pas à me dire ce que tu en auras pensé d’ailleurs :))
Merci pour cette revue ! Je suis aussi en train de lire plusieurs ouvrage sur le véganisme et ça fait du bien d’apporter de la nuance dans notre propre réflexion, sans pour autant être dans un débat avec d’autres personnes « en direct ». On prend le temps de lire, de comprendre ce qui est transmis, de mettre en parallèle les arguments avec notre point de vue.
Le fait que l’exploitation animale soit peu abordé dit sans doute quelque chose de ce milieu : on le veux caché, presque oublié…
Y a-t-il des scènes « violentes » dans le livre ? Par exemple des scènes d’expérimentation ? J’imagine que oui mais ce livre m’intéresse sauf que je ne serais pas capable de lire de telles horreurs…
Bonjour, il y a qqs scenes d’experimentations rapportées, mais ce n’est pas le propos central du livre. Vous pouvez toujours sauter les passages que vous trouverez difficile à lire 🙂